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Les Pandora Papers : comment les riches dissimulent leur fortune

Le mois d’octobre a vu un scandale que vous n’avez pu manquer : les Pandora Papers. Cette fuite de près de 12 millions de documents révèle les activités financières des plus puissants et fortunés tels que le roi de Jordanie, Silvio Berlusconi ou Tony Blair…

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Ecrivain : Romain Thill  

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Image de Markus Winkler

Que trouve-t-on dans ces Papers ?

Le consortium des journalistes de l’ICIJ révèle des documents sur des milliers de milliards d’actifs financiers dissimulés dans des sociétés offshores et des trusts autour du monde. L’enquête trouve sa source dans des informations confidentielles provenant de 14 entreprises de services financiers et de gestion d’actifs offshores.
Les précédentes révélations des Panama Papers et des Paradize Papers qui avaient secoué le monde, portaient sur l’évasion et la fraude fiscale. Le cas des Pandora Papers est plus complexe car ils exposent les montages financiers employés par certains pour cacher leurs activités, actifs financiers ou vie privée. L’affaire enveloppe donc des activités qui vont de la fraude, à des utilisations plus légitimes. L’ICIJ déclare mettre en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains des concernés avec leurs placements dans des paradis fiscaux. On pense particulièrement à l’ancien premier ministre britannique du parti travailliste, Tony Blair qui a acheté une propriété d’une valeur de 6,45 millions de livres par le biais d’une société offshore. D’autres dirigeants ont eu des pratiques similaires, comme le roi de Jordanie Abdallah II. Celui-ci a créé une trentaine de sociétés offshores pour l’acquisition de centaines de millions d’euros de propriétés aux États-Unis et en Europe alors que son pays traverse des difficultés politiques et économiques. Les personnalités belges qu’on y retrouve sont principalement des administrateurs de sociétés, par exemple des familles liées au groupe Solvay qui ont caché des dizaines de millions d’euros d’actions dans des trusts des îles Vierges Britanniques.
Ce qui interpelle à première vue est le caractère légal des mécanismes d’évasion employés comme le recours aux trusts et aux sociétés offshores. C’est pourquoi l'ICIJ note : « le secret qu'ils fournissent peuvent couvrir des flux d'argent illicites, permettant la corruption, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale, le financement du terrorisme et la traite d'êtres humains et d'autres violations des droits de l'homme » Toutefois, l’équipe d’investigation prévient que l’apparition dans ces documents n’est pas preuve de malversation. Faisons le point là-dessus.

Que trouve-t-on dans ces Papers ?

Le consortium des journalistes de l’ICIJ révèle des documents sur des milliers de milliards d’actifs financiers dissimulés dans des sociétés offshores et des trusts autour du monde. L’enquête trouve sa source dans des informations confidentielles provenant de 14 entreprises de services financiers et de gestion d’actifs offshores.
Les précédentes révélations des Panama Papers et des Paradize Papers qui avaient secoué le monde, portaient sur l’évasion et la fraude fiscale. Le cas des Pandora Papers est plus complexe car ils exposent les montages financiers employés par certains pour cacher leurs activités, actifs financiers ou vie privée. L’affaire enveloppe donc des activités qui vont de la fraude, à des utilisations plus légitimes.

L’ICIJ déclare mettre en parallèle le discours anti-corruption tenu par certains des concernés avec leurs placements dans des paradis fiscaux. On pense particulièrement à l’ancien premier ministre britannique du parti travailliste, Tony Blair qui a acheté une propriété d’une valeur de 6,45 millions de livres par le biais d’une société offshore.

D’autres dirigeants ont eu des pratiques similaires, comme le roi de Jordanie Abdallah II. Celui-ci a créé une trentaine de sociétés offshores pour l’acquisition de centaines de millions d’euros de propriétés aux États-Unis et en Europe alors que son pays traverse des difficultés politiques et économiques.

Les personnalités belges qu’on y retrouve sont principalement des administrateurs de sociétés, par exemple des familles liées au groupe Solvay qui ont caché des dizaines de millions d’euros d’actions dans des trusts des îles Vierges Britanniques.
Ce qui interpelle à première vue est le caractère légal des mécanismes d’évasion employés comme le recours aux trusts et aux sociétés offshores. C’est pourquoi l'ICIJ note : « le secret qu'ils fournissent peuvent couvrir des flux d'argent illicites, permettant la corruption, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale, le financement du terrorisme et la traite d'êtres humains et d'autres violations des droits de l'homme »

Toutefois, l’équipe d’investigation prévient que l’apparition dans ces documents n’est pas preuve de malversation. Faisons le point là-dessus.

Utilisation de sociétés offshores et de trusts

Les sociétés offshores et les trusts jouent donc un rôle central dans l’évasion fiscale. Or de quoi parle-t-on précisément ?
La société offshore n’a pas de définition légale en Belgique, il s’agit simplement d’une société enregistrée à l'étranger où elle n’exerce pas d’activité économique. Elles sont souvent utilisées afin d’éluder l’impôt ou de faire de l’optimisation fiscale, voire du blanchiment d’argent. Cependant elles peuvent être également affectées à des fins de protection de la vie privée ou par des entreprises pour simplifier les déclarations de revenus, sans que cela ne constitue de l’évasion fiscale.
Exprimé ainsi on penserait qu’il s’agit d’évasion fiscale mais pour illustrer, imaginons un fonds qui a ses investisseurs répartis dans plusieurs pays. Si le fonds est domicilié dans une juridiction où il est assujetti à l’impôt, chaque investisseur devrait réclamer l’impôt perçu par le pays du fonds pour ensuite le repayer dans son pays de domicile. Tout ça est complexe et crée des coûts administratifs. C’est pourquoi le fonds peut établir une société offshore dans un pays sans impôts (les îles Caïmans par exemple), ainsi les informations sur les revenus y sont centralisées et aucun impôt n’y est payé. Par après l’information sur les revenus de l’investisseur est transféré à son pays de domicile grâce aux échanges automatiques d’informations permis par le Common Reporting Standard (CRS) et enfin l’investisseur paie bien ses impôts selon la fiscalité locale. Nous allons traiter de ce mécanisme d’échange d’informations par la suite. Les défenseurs des sociétés offshores mettent donc en avant le besoin de ces juridictions « neutres » dans la facilitation des transactions commerciales internationales.

Ensuite on trouve les trusts, cette spécificité du droit anglais dont les riches sont friands. Ce ne sont pas des entreprises mais des structures qui permettent à toute personne d’y transférer des actifs (par exemple un bien immobilier ou des actifs financiers) et de conférer le contrôle de ces biens à un tiers indépendant (le trustee) pour le compte d’un bénéficiaire. Dans ce cas-ci le bénéficiaire est souvent la famille. Le trustee qui administre le tout sera tenu responsable de distribuer les revenus des actifs aux bénéficiaires selon les termes du trust. Vous pouvez trouver un schéma simplifié du fonctionnement d’un trust ci-dessous. Selon l’ICJ certaines estimations montent les actifs protégés par des trusts jusqu’à 36.000 milliards de dollars.

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                                                                      Schéma simplifié d’un trust

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Alors pourquoi ne pas donner directement les actifs aux bénéficiaires ? L’intérêt de ce mécanisme est surtout la protection qu’il offre. Cette protection est rendue possible car les trusts sont anonymes et très peu réglementés. Après que les actifs eurent été transmis, le détenteur original n’en est plus propriétaire, les actifs ne sont plus connus publiquement et deviennent ainsi protégés des créditeurs et des actions en justice.
Ils protègent aussi la vie privée, on peut par exemple mentionner les registres de propriétés qui sont publics ; masquer ces informations est évidemment désirable pour des personnalités publiques. Toutefois les bénéficiaires du trust devront toujours bien payer l’impôt sur les revenus qu’ils perçoivent du trust selon la fiscalité de leur domicile.
Les juridictions préférées pour la formation de trusts sont souvent des territoires d’outre-mer britanniques mais aussi, comme nous allons les voir tout de suite, les États-Unis.

Focus sur les États-Unis, ce nouveau paradis fiscal

Généralement, dès qu’on pense à paradis fiscal, les images qui nous viennent à l’esprit sont celles d’une île des Caraïbes, de la Suisse voire du Luxembourg. Cependant les Pandora Papers nous apprennent que les régions qui attirent toujours plus les milliardaires se trouvent aux États-Unis, dont un état en particulier : le Dakota du sud.

Le choix de cet État de moins d’un million d’habitants qui abrite le mont Rushmore, peut surprendre. Pourtant le Dakota du Sud est devenu l’un des plus grands paradis fiscaux au monde : il n’y aurait pas moins de 360 milliards de dollars d’actifs placés parmi ses trusts. C’est près de sept fois plus qu’il y a à peine dix ans…
Pourquoi cet état reculé du Midwest est-il devenu si séduisant auprès des fortunés ? C’est premièrement un état à la fiscalité légère : il n’a pas d’impôts sur le revenu en plus du fédéral, pas de droits de succession et pas d’impôts sur les plus-values. De plus, les trusts constitués n’y expirent jamais, un individu peut créer un trust dont il est lui-même le bénéficiaire et après 2 ans les trusts sont immunisés des créanciers. Mais surtout, ils sont très secrets. Le Dakota du Sud n’est pas seul, d’autres États américains sont connus comme des « tax shelters » et se font concurrence ; notamment le Delaware, le Nevada ou le Wyoming.
De surcroît, les États-Unis ne font pas partie du Common Reporting Standard (CRS), un accord multilatéral d’échange automatique de renseignements mis place en 2017 en vue de limiter le secret bancaire. Des territoires tels que l’île Jersey, les îles Caïmans, ou la Suisse ont ainsi perdu leur statut de lieu secret. Par conséquent, des milliards ont fui pour les États-Unis qui sont devenus le lieu le plus secret pour y dissimuler ses actifs financiers.

Tous criminels ?

À la suite de ces publications, médias et monde politique se sont précipités pour dénoncer le recours à ces mécanismes complexes. Comme on l’a vu, leur utilisation ne constitue pas nécessairement une malversation mais implique des questions de justice et d’éthique.

Il faut premièrement éviter la confusion entre légalité et moralité. La fraude existe à partir du moment où quelqu’un se soustrait à l’impôt en violant une loi, alors que l’évasion fiscale désigne les mécanismes visant à trouver des solutions pour payer moins d’impôts. Quand bien même on pourrait juger ces pratiques injustes, le cadre légal actuel ne permet pas d’inhiber la fuite d’actifs vers les paradis fiscaux.

Dans cet article nous avons aussi mentionné le désir de protection de la vie privée. Dans les Papers il n’est pas étonnant de trouver des stars comme Ringo Star qui veulent cacher les informations sur leurs propriétés sachant que le collègue de ce dernier, John Lennon, a été assassiné dans sa résidence. D’autres noms de stars apparaissent comme Elton John, Shakira ou Claudia Schiffer mais aucune preuve de fraude en leur encontre n’a été trouvée et ils déclarent payer les impôts de leur pays de domicile. Il faut toutefois reconnaître qu’en achetant leurs propriétés par des sociétés offshores, ces personnalités ont probablement économisé de l’impôt.

Bien qu’avoir des actifs dans des sociétés offshores n’est pas illégal, établir un réseau opaque de sociétés pour déplacer des fonds est la manière idéale de masquer des activités criminelles. Entre autres, il a été découvert dans l’enquête OpenLux en février 2021 que la mafia italienne était implantée au Luxembourg par des sociétés offshores.

Enfin il convient de rappeler que les montants impliqués sont astronomiques. Dans un rapport de 2020 le réseau activiste Tax Justice Network estime que près de 427 milliards de dollars évitent l’impôt annuellement. Le même rapport trouve notamment que les multinationales déplacent 1.380 milliards de bénéfices vers des paradis fiscaux chaque année.

Dans les Pandora Papers on observe donc des cas de fraude, certainement de l’optimisation fiscale mais surtout des riches qui veulent cacher des informations. Si beaucoup qui apparaissent ont peu à se reprocher, il existe une injustice fiscale qui constitue un manque à gagner pour les caisses de l’état. Naturellement, cela nous mène vers la question des mesures à apporter dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale.

Comment lutter contre l’évasion fiscale

Ces révélations mettent en lumière le rôle joué par les paradis fiscaux dans l’évasion fiscale et suscitent les réactions indignées de tous bords, appelant à l’action. Seulement, est-ce tâche aisée ?
Au niveau européen, le parlement demande à la commission d’engager des actions en justice à l’encontre des États membres qui n’appliquent pas les règles de l’UE en matière de transparence. On peut notamment penser à la Chypre, Malte, l’Irlande ou au Luxembourg qui sont souvent pointés du doigt.
Le parlement juge également la liste noire des paradis fiscaux inefficace car incapable de sanctionner certains des pays qui commettent le plus d’infractions. Par exemple les Îles Vierges Britanniques qui n’y apparaissent pas alors qu’elles abritent les deux tiers des sociétés-écrans mentionnées dans les Pandora Papers.

En Belgique, le ministre des Finances Van Peteghem a réagi en annonçant qu’il y aurait des poursuites des 1200 Belges ayant profité de sociétés offshores. Cependant cela semble vain car les trusts sont par nature très secrets. En outre, l’évasion fiscale peut se faire dans le cadre de la loi or s’il n’y a pas violation de la loi, il n’y a pas fraude et donc aucune condamnation possible.

Si ces dernières années de nombreuses mesures ont été prises contre l’évasion fiscale – tant à l’international qu’en Belgique – les moyens doivent également suivre pour leur application.

Mais plus que tout, le cas des États-Unis est criant : la transparence et les échanges d’informations sont primordiaux. Néanmoins les Américains sont très peu coopératifs en matière d’échange de renseignements financiers. La plupart des pays ont été contraints à la transparence, sous la pression de l'OCDE, en cédant à la menace d'être « black listés » et de subir des sanctions financières. En revanche, une demande de renseignements adressée aux États-Unis a peu de chances d'aboutir puisque l'administration fédérale américaine n'a tout simplement pas accès à l'information sur ses trusts et n'est pas désireuse de l'avoir…

En matière d’évasion fiscale nous semblons donc dans une impasse. Les échanges d’informations ont été efficaces pour la réduction de l’évasion vers certaines juridictions mais ce n’est que déplacer le problème. En effet d’autres viennent prendre leur place : Comme on a pu le constater le CRS n’a fait que de nourrir davantage les trusts américains. Les sanctions et les menaces peuvent être efficaces contre des petits pays, mais d’autres sont « too big to sanction ».

Il semblerait que seule une coopération mondiale généralisée permette de surmonter l’impasse mais est-elle plausible ?

REFERENCES

 

[1]Angot, H. (2021, October 5). Pandora Papers : “Nous manquons cruellement de moyens pour lutter contre la fraude fiscale”, estime le juge Claise. RTBF Info. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_pandora-papers-nous-manquons-cruellement-de-moyens-pour-lutter-contre-la-fraude-fiscale-estime-le-juge-claise?id=10854238

[2]BBC Pandora Papers reporting team. (2021, October 5). Pandora Papers: A simple guide to the Pandora Papers leak. BBC News. https://www.bbc.com/news/world-58780561

[3]Bourgeois, A. J. N. S. (2021, October 4). Pandora Papers : qu’est-ce qu’une société offshore ? RTBF Info. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_pandora-papers-qu-est-ce-qu-une-societe-offshore?id=10854059

[4]Bruneau, P., & Turot, J. (2021, October 19). Pandora Papers: «Comment les États-Unis vont réussir à s’imposer comme le dernier paradis fiscal de la planète». LEFIGARO. https://www.lefigaro.fr/vox/economie/pandora-papers-comment-les-etats-unis-vous-reussir-a-s-imposer-comme-le-dernier-paradis-fiscal-de-la-planete-20211019

[5]Bullough, O. (2021, October 4). The great American tax haven: why the super-rich love South Dakota. The Guardian. https://www.theguardian.com/world/2019/nov/14/the-great-american-tax-haven-why-the-super-rich-love-south-dakota-trust-laws

[6]Chastand, J., Michel, A., Baruch, J., Vaudano, M., & I. (2021, October 5). « Pandora Papers » : du roi Abdallah II à Tony Blair, des dizaines de dirigeants politiques éclaboussés par le scandale. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/10/03/pandora-papers-du-roi-abdallah-ii-a-tony-blair-des-dizaines-de-dirigeants-politiques-eclabousses-par-le-scandale_6096962_4355770

[7]Forbes. (2021, October 14). Pandora Papers : Les États-Unis, ce nouveau paradis fiscal. Forbes France. https://www.forbes.fr/finance/pandora-papers-les-etats-unis-ce-nouveau-paradis-fiscal/

[8]Lavenir.net. (2021, October 7). Pandora Papers: Van Peteghem assure de sa détermination. Communes, régions, Belgique, monde, sports – Toute l’actu 24h/24 sur Lavenir.net.https://www.lavenir.net/cnt/dmf20211007_01622754/pandora-papers-van-peteghem-assure-de-sa-determination

[9]Martin, N. (2021, October 6). The Pandora Papers: A tough fight against tax avoidance. DW.COM. https://www.dw.com/en/pandora-papers-how-the-fight-against-tax-avoidance-is-going/a-59398181

[10]Moreaux, A. (2021, October 19). Pandora papers : comment lutter contre l’évasion fiscale ? Affiches Parisiennes. https://www.affiches-parisiennes.com/pandora-papers-comment-lutter-contre-l-evasion-fiscale-53491

[11]Pandora Papers: le Parlement Européen demande des enquêtes, des sanctions et de nouvelles lois. (2021, October 21). [Press release]. https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20211014IPR14912/pandora-papers-le-pe-demande-des-enquetes-des-sanctions-et-de-nouvelles-lois

[12]W, F., D., R. (2021, October 4). Les “Pandora Papers”, ou la boîte de Pandore fiscale de 336 dirigeants politiques. RTBF Info. https://www.rtbf.be/info/monde/detail_les-pandora-papers-ou-la-boite-de-pandore-fiscale-de-336-dirigeants-politiques?id=10853854

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